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Généralement,
les immigrés savoyards étaient bien reçus en France comme en
témoigne un extrait d'un article de Léon Faucher paru dans la
Revue des deux mondes de 1834 consacré à "La colonie des Savoyards à
Paris".
Les Savoyards
dégagent une image d’honnêteté, de serviabilité et de facilité
d’adaptation. Ils jouissent d’une image favorable au sein de la
police et ne sont pas sujets à déviances sociales comme peuvent l’être
d’autres catégories populaires. Étrangers
au regard de la loi, ils sont considérés comme “…les plus français des
provinciaux immigrés et se dépouillent assez vite de leur écorce
la plus grossière…Le progrès du langage, qui correspond à celui
des mœurs et, qui en est l’indice, témoigne de leur supériorité. Ils
parlent aisément notre langue, et sans trop d’étrangeté”.
En
bref, ils sont “l’aristocratie de l’émigration”. Rapidement
assimilés, ces expatriés deviennent naturellement les premiers
partisans du rattachement de la Savoie à la France, encourageant
leurs compatriotes à voter pour l’annexion de 1860.
Néanmoins,
lors des périodes de chômage surtout, ils étaient accusés de prendre le
travail des Français. On trouvera ci-après la reproduction d'une
affiche placardée sur les murs de Paris. Elle est antérieure au
rattachement de 1860, elle date probablement de la campagne
anti-étrangers de 1848 ou des années précédentes du fait de la crise
économique que connaissait le pays depuis quelques d'année.
Cette
affiche vise nommément les Savoyards. Elle est signée "un ouvrier". Des
affiches semblables ont aussi été diffusées à Lyon à la même époque.
Texte de l'affiche
-Des
étrangers, les Savoyards inondent la capitale. Cette peuplade
envahissante porte un grand préjudice au pays, ne serait-il pas temps
d'y mettre un terme et d'arrêter ce torrent qui déborde sur la France.
-Le
Gouvernement doit protection à la classe ouvrière .... Est-il juste que
des étrangers viennent moissonner les ressources du pays? Il y a en
France 94.000 Savoisiens. Ils sont économes, gagnent beaucoup et
dépensent peu; le moins qu'ils peuvent mettre de côté chaque année
s'élève au minimum à 500 francs. Je ne veux pas que l'on dise que
j'exagère: je réduis cette somme de moitié, je multiplie 250 par 94.000
: cela donne la somme énorme de 23 millions 500.00 francs! Cette somme
est enlevée au commerce de détail. Soyons généreux, mais que cette
générosité ne soit pas douloureuse.
-De quelle utilité nous
sont ces Savoyards? Quelle industrie ont-ils apporté à la France? Si ce
n'est celle de nous agripper nos pièces de 5 francs. Les
commissionnaires de tous les chantiers de Paris sont français. Mais le
travail leur est enlevé par les Savoyards et ces malheureux restent les
bras croisés. A toutes les stations de chemin de fer: partout des
Savoyards! La banque, Le Trésor, les messageries, les hôtels de vente,
tous les grands établissements: partout des Savoyards ... Ils
envahissent jusqu'aux sellettes des malheureux décrotteurs, les ponts,
les quais, les boulevards, les rues, toujours des Savoyards! Les pièces
de 5 francs rentrent dans leur gousset et n'en ressortent plus!
-En
Savoie, ils appellent la France leur Californie ... Expatriez-vous
Français! Faites place aux Savoyards! On a bien crié, bien fait
du bruit contre les jésuites, mais les Savoyards sont mille fois plus
onéreux par leur empiétement continuel.
-Ce n'est pas tout: ils ont causé la ruine de plusieurs de nos établissements, ils empêchent beaucoup d'autres de se former.
-S'ils
n'étaient pas là, on ne verrait plus d'ouvriers sans ouvrage, plus de
domestiques sans place, plus de vagabonds…Il y a parmi eux des fils de
fermiers, des gens aisés. Seuls les malheureux restent dans leur pays
pour cultiver les terres.
-Serait-il donc injuste d'exiger une parcelle des trésors qu'ils nous enlèvent chaque année?
-Ne
serait-il pas bien de leur imposer un impôt ( patente) de 2 francs par
mois: 24 francs par an : cette somme serait affectée à quelques maisons
de retraite pour des personnes âgées et sans ressources.
-Cette
pétition, devant être présentée de nouveau à la Chambre Nouvelle,
est-il un Français, riche comme pauvre, qui refuserait de donner son
adhésion?
-"Signaler un abus, c'est faire acte de bon citoyen".
- Partout
où l'on regarde, on voit des Savoyards. S'ils n'étaient pas là ; on ne
verrait plus d'ouvriers ou de paysans sans ouvrage
Note
: Ce texte est extrait de " l'Echo de Guiers" de mars 1997.
Il est la recopie de l'affiche originale qui était en mauvais
état.
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