MICHEL CARQUILLAT, UN BORNIAND CANUT A LYON
Michel Carquillat naît le 31 décembre 1802 (10 nivose an 11) au
Petit-Bornand/les Glières (Haute-Savoie). Son père Marius et sa mère Claudine,
née Puthod, sont agriculteurs.
A 15 ans, après une dure enfance dans la montagne, qui forge son caractère, il
se rend à Lyon, chez des parents de sa mère, qui exercent le métier de
tisseurs. Il devient donc apprenti tisseur.
En 1825, il épouse Geneviève Pernollet,
jeune fille originaire de Vougy.
Devenu patron, il s`installe au numéro 8 de la rue d'Isly, dans le quartier de
la Croix-Rousse.
Michel est plus qu'un excellent tisseur, il cherche et crée sans cesse. Pour
tisser en velours les portraits, on utilise alors un procédé fort ancien qui ne
permet la reproduction des visages que sous la forme d'une silhouette. Tout en
travaillant pour la maison Didier, Petit et compagnie, il réalise de très
nombreux essais, engloutissant les économies du ménage et un jour, il réussit.
Son métier à tisser est capable de reproduire intégralement
tous les détails des portraits et des scènes de personnages, en donnant aux
sujets le relief et la perspective.
Pour sa première réalisation, il a la chance de pouvoir tisser le portrait du maître
Joseph-Marie Jacquard, né lui aussi d`une mère savoyarde. En effet, pour l'exposition
de Paris de 1839, M. Didier veut reproduire en un tableau tissé le portrait de
l'inventeur du métier à tisser, peint par Bonnefond. Le dessinateur lyonnais Moulin,
contacté, fait appel à Michel Carquillat pour reproduire le portrait du maître.
L'oeuvre est une telle réussite, qu'on l'appelle désormais le Jacquard de Carquillat. Michel Carquillat va alors connaître la gloire. Son atelier lyonnais est visité par les plus grands de ce monde, désireux de se faire tisser le portrait et notamment le Duc d'Aumale, venu le 24 août 1841. Cette visite peinte par Bonnefond, avec une carte dessinée par Manin, tissée par Carquillat et offerte au duc en 1844, est le véritable point de départ de la renommée du canut.
Les grands soyeux, les artistes, les hommes politiques
viennent chez Carquillat" pour y admirer les merveilleux tissages et
emporter des spécimens, qui font fureur de Lisbonne à Saint-Pétersbourg.
Emerveillé par ses visiteurs, Michel Carquillat en a
soigneusement noté les noms. Au fil des pages, on découvre ainsi le duc de
Nemours, une multitude d'ambassadeurs d'Extrême-Orient, du Siam, de Chine, de
l'Empire du Soleil levant, du Pays du Matin calme, du Prince de Galles (futur
Edouard VII), du roi Louis-Philippe 1er, d'Abd-El-Kader, du maréchal de Castellane, du
roi du Portugal, du duc de Porto, puis de l'empereur Napoléon III, en 1858, et
de l`impératrice Eugénie, venue plusieurs fois, du président Adolphe Thiers, du
roi d'Italie en 1862, du pape Pie IX en 1863, du républicain Léon Gambetta, du général
Mac-Mahon, en 1874, pour qui il réalise sa dernière grande œuvre.
D'autres grands de ce monde lui commandent leur portrait et Michel Carquillat tisse, entre autres, le roi d'Italie Victor-Emmanuel II, les présidents des Etats Unis Abraham Lincoln et Georges Washington, commandés par la Maison Blanche.
Notre tisseur Borniand gagne concours sur concours, entasse
les médailles et les cadeaux princiers mais
il reste d'une modestie à toute épreuve. Il n'y a que son art qui compte. Ses
tapisseries sont exportées dans le monde entier, à Londres, Bruxelles, Pékin,
New-York, Rome et Saint-Pétersbourg, après avoir orné des palais de France
comme les Tuileries et l'Elysée.
En août 1873, âgé de 71 ans, il épouse en seconde noce une jeunette de 25 ans,
Marie-France Berthet. Ce mariage fait de
madame Carquillat sa collaboratrice.
Michel Carquillat meurt d'une attaque d'apoplexie à 82 ans,
le 31 janvier 1884, dans sa maison de la rue d'Isly, à la Croix-Rousse.
Sa femme poursuit son œuvre, mais la crise de la soierie
étant telle que l'entreprise périclite et Marie-France Carquillat s'éteint à 90
ans, le 20 mai 1934, dans la plus grande pauvreté.
Aujourd'hui, malheureusement peu de Savoyards connaissent Michel Carquillat, bien que son nom ait été donné à une rue de la Croix-Rousse et à une rue du Petit-Bornand.
A noter que le Petit-Bornand a donné à la France un autre homme célèbre : Guillaume Fichet (1433-1480) qui devint docteur en théologie et recteur de l'Université de Paris puis cardinal quant il alla servir à Rome le pape Sixte IV. Mais, l'Histoire retient surtout qu'il fut l'homme qui sut convaincre le roi Louis XI de l'autoriser à installer un atelier d'imprimerie dans les locaux de la Sorbonne en 1470, le premier en France, malgré l'opposition de tous ceux qui ne voulaient pas de "cette machine diabolique".