1860: Intégration des officiers
savoyards et niçois dans les armées de la France et de l'Italie
Résumé
Lors
du rattachement de la Savoie à la France, 602 officiers savoyards et
niçois durent choisir entre l’armée française et l’armée italienne,
après la signature du traité de Turin du 24 mars 1860 qui consacrait la
cession du Duché de Savoie et du Comté de Nice par Victor-Emmanuel II à
Napoléon III. Remarquablement bien intégrés au sein même de l’armée
piémontaise (réseaux d’entraide, honneurs divers), le choix qu’ils
durent faire en 1860 fut déchirant pour bon nombre d’entre eux. Une
petite minorité opta pour la France bien souvent par défaut. Une grosse
majorité choisit l’Italie par fidélité au Roi, amour de la cause
italienne et souvent ambition de carrière.
Leur intégration dans
l’une ou l’autre armée fut bien différente. Si l’acculturation fut
facile et rapide en Italie, la France impériale ne leur offrit qu’une
carrière bouchée et un accueil marqué par la permanence de préjugés
négatifs à leur encontre.
Voici le témoignage du
lieutenant-colonel Jean-François Borson qui était l'un des trois
officiers savoyards qui devinrent général dans l'armée française
(avec Charles Goybet et Auguste de Ville). Voici ce qu'il écrit le
21 juin 1860 dans la lettre d'option pour la nationalité
française : " Le soussigné, protestant à son vif regret
de devoir abandonner les rangs de l’armée (piémontaise) et de son désir
de continuer à y servir, si c’était possible sans renoncer à sa
nationalité, déclare que des raisons irrésistibles ne lui permettent
pas d’assumer la citoyenneté ……. (italienne)"
En 1860, on
compte 383 officiers Savoyards et 219 Niçois, soit 602 au
total dans l’armée piémontaise. Ils durent opter pour la France
ou pour l'Italie en choisissant entre l’empressement du gouvernement
français à parfaire l’annexion de la Savoie et du comté de Nice, et de
l’autre, par les réticences des autorités sardes qui souhaitaient au
contraire maintenir dans les rangs de son armée cette part non
négligeable de leur armée dont elles avaient besoin pour constituer
l'armée de l'Italie (créée par le décret du 25 mars 1860
fusionnant les forces sardo-lombardes et celles de la Ligue de l’Italie
centrale toscano-émilienne).
La situation de ces officiers n'est pas la même pour tous selon qu'ils optaient pour la France ou pour l'Italie.
1- Situation des officiers optants pour l'Italie
Certains
ayant les deux cultures et étant fidèles à la couronne
sarde ont opté en majorité pour l'Italie: c'est le cas surtout
d'officiers issus de familles aristocratiques ou ayant des biens
au Piémont et présentant un caractère franco-piémontais affirmé.
Ces
officiers constituaient un réseau au sein de l’armée sarde dans
une logique « interarmes », mêlant la cavalerie,
l’infanterie, le génie, l’artillerie, la gendarmerie ou encore
l’intendance. Ils fréquentaient les mêmes écoles militaires ou se
retrouvaient dans les mêmes unités, tissant des liens de camaraderie
militaire ; resserrant les liens transversaux au hasard des
affectations. Ils se battirent côte à côte sur les champs de bataille,
comme lors de la bataille de San Martino, le 24 juin 1859, au
cours de laquelle Philibert Mollard se couvrit de gloire à la tête de
la 3e division, suscitant l’admiration de ses compatriotes Borson
et de Maugny.
Dans l’ensemble, ces officiers furent honorés par
le régime sarde, sensible à leur sens de l’honneur et de la discipline,
démontré à maintes reprises sur les champs de bataille
en 1848-1849 en Lombardie et au Piémont, en 1855-1856 en
Crimée, et encore en 1859 en Lombardie. Pour autant, les
motivations variaient d’une province à l’autre. Les Savoyards restaient
fidèles avant tout à la Maison de Savoie-Carignan, dont leur duché
était le berceau et se battaient pour le roi, pas tant pour une idée
nationale. En revanche, les Niçois exprimaient un sentiment national
plus aigu, davantage sensible à la révolution risorgimentale et à
l’image d’un roi national italien. Malgré ces différences,
l’intégration de ces officiers dans l’armée sarde était excellente, et
c’est justement parce qu’elle était excellente, qu’elle provoqua un tel
traumatisme au moment du choix crucial de l’été 1860, du
14 juin au 1er août, entre la France et l’Italie.
Au
sein de la nouvelle armée d'Italie, les officiers savoyards et niçois
ont vite pris conscience qu’ils étaient considérés par le ministre de
la Guerre Fanti comme les noyaux durs de cette nouvelle armée italienne
qui manquait cruellement de cadres, vecteurs de « piémontisation»,
de nationalisation et d’italianisation.
Toutefois, les Savoyards qui
parlaient mal ou peu l’italien, vécurent leur nouvelle
affectation comme un véritable exil. Julie Dubois, femme du capitaine
des Bersagliers Louis Dubois, écrivit ainsi au colonel français Eugène
Saget, chargé de superviser le passage des militaires à la France
en 1860 : « Mon mari est officier, au service du Piémont
dans un bataillon de Bersagliers, seul Savoyard et sur l’extrême
frontière de Lombardie, éloigné de tout contact avec ses compatriotes
et en butte à des influences uniquement piémontaises.»
Certes,
il ne s'agit que de cas particuliers. Dans l’ensemble, ces
officiers acceptèrent les contraintes de service sans rechigner. Ils
s’intégrèrent dans les nouveaux régiments, même si certains d’entre
eux, basés au cœur de l’Italie, réclamèrent leur affectation dans la
brigade de Savoie qu’ils avaient dû quitter, comme le Savoyard Louis
Bourille, capitaine au 28eme régiment d’infanterie (brigade
« Parma »), en garnison à Parme en juin 1860.
Si,
au cours des plébiscites des 22-23 avril 1860, les militaires
du rang niçois à 88 % et savoyards à 95 %
choisirent dans leur écrasante majorité la France qui représentait à
leurs yeux la paix, le prestige et la prospérité, il n’en fut pas de
même des officiers. Pour des raisons de propagande, Napoléon III
souhaitait accueillir avec enthousiasme ces nouveaux sujets de qualité
dans les rangs de l’armée impériale. Victor-Emmanuel II, en
revanche, avait trop besoin de leur expérience pour les laisser partir
en France. Chacun des deux joua des armes dont il pouvait disposer. La
France offrit des récompenses en grand nombre (Légion d’honneur), tout
en garantissant les pensions. Mais surtout, elle prit en compte le
grade à la date du 14 juin et non à celle du 24 mars 1860,
jour de la signature du traité de Turin. Le choix de la date du 14 juin
signifiait de la part des autorités françaises l’acceptation des
promotions rapides sardes survenues du mois d’août 1859 au mois de
juin 1860. En effet sur 602 officiers, 485 reçurent une promotion
pendant la période allant du 1er août 1859 au
31 décembre 1861. Ce mouvement toucha surtout les grades
inférieurs (sous-lieutenants, lieutenants et capitaines), c’est-à-dire
des officiers âgés de vingt à trente ans, soucieux de faire carrière,
et qui désormais comptaient leur temps de mutation en mois et non en
années comme leurs collègues français.
Entre une décoration et une
promotion, les officiers n’hésitèrent pas, ils choisirent la promotion.
D’où une répartition significative entre la France et l’Italie. Sur
602 officiers recensés, 109 seulement optèrent pour la
France, et 493 pour l’Italie : soit, 101 Savoyards
devinrent français contre 282 Italiens, soit à peine un peu plus
d’un quart, et 8 Niçois à peine franchirent les Alpes alors que
211 autres demeurèrent en Italie, véritable camouflet pour la
propagande impériale française. Les motivations qui poussèrent tel ou
tel à opter pour la France ou pour l’Italie révélaient cependant
l’émergence ou la permanence d’aspiration légitime confrontée à la
réalité.
2- Situation des officiers optant pour la France
L’option pour la France relevait de considérations diverses, mêlant :
-pressions familiales,
-attachement provincial ou "nationalisme régional anti-italien ",
-haine
des "Lombards", terme générique qui renvoyait à tous ceux qui
n’étaient ni Savoyards, ni Piémontais, ou encore maîtrisaient
insuffisamment la langue italienne, facteur de blocage, voire de
ralentissement de carrière.
-ne pouvant guère faire autrement, par
exemple, les capitaines en fin de carrières qui n’avaient pas les
moyens de déménager en Italie, suivaient également le sort de leur
nouvelle patrie, comme le capitaine en retraite Gabriel Gras.
-certains
agirent par dépit, n’ayant pas obtenu la récompense qu’ils souhaitaient
comme le général Philibert Mollard qui n’obtint pas le titre de duc de
San Martino.
-par sens du devoir, poussant à suivre le sort de la
Savoie et de Nice, fidélité aux accords internationaux et
solidaires du sort des hommes qu’ils commandaient.
Tous les
officiers, cependant, n’optèrent pas pour la France "par défaut".
Quelques jeunes gens, profitant de la position sociale paternelle,
s’enthousiasmaient à l’idée de rejoindre les rangs de l’armée ou de la
marine françaises, comme Charles-Albert de Maugny, lieutenant de
cavalerie chablaisien de vingt-trois ans.
3-Remarques sur les choix d'option
Le
choix de l'option ne signifiait nécessairement rupture et regret. Des
familles entières devinrent françaises, comme les Costa de Beauregard.
D’autres comme les Sonnaz, choisirent l’Italie, profitant de
leurs alliances avec des familles piémontaises et de leurs domaines
outre-monts. Mais beaucoup finirent par être déchirées des deux côtés
des Alpes. Le cas de la famille d’Humilly de Chevilly est exemplaire.
Sur les quatre frères que comptait cette famille, deux choisirent la
France et deux le Piémont.
Nombreux, toutes proportions gardées, furent également les officiers qui changèrent d’avis
en cours de route, dans un sens comme dans l’autre, signe d’un profond
déchirement intérieur. Le cas du Savoyard André Ducimetière est encore
plus révélateur du malaise que pouvaient éprouver ces officiers pris
dans l’angoisse du choix. De juin à septembre 1860, il déclara
d’abord prendre la nationalité sarde, puis choisit "le titre de citoyen
français", sur ordre de ses parents, avant de démissionner de l’armée
française et de se faire réintégrer dans l’armée italienne où il
termina sa carrière le 23 novembre 1885, au grade de
capitaine.
Les officiers mentonnais, quant à eux, connurent une
situation particulière. Aucun d’entre eux ne choisit l’armée française.
Il est vrai que Menton, ville de la principauté monégasque, n’avait pu
être annexée par le royaume de Piémont-Sardaigne en 1848, malgré
un plébiscite organisé par les Sardes, et que son cas ne fut à aucun
moment évoqué à la Chambre des députés de Turin. Napoléon III dut
d’ailleurs payer à Charles III de Monaco une indemnité de quatre
millions de francs, ce qui revenait à acheter la ville (ainsi que
Roquebrune), et l’accord franco-monégasque du 2 février 1861
prouva que le droit plébiscitaire balbutié sans succès par les
Piémontais en 1848 et perfectionné par les Français en 1860
était nécessaire mais pas suffisant. Quoiqu’il en soit, la complexité
des motivations et le déchirement provoqué par le choix eurent ainsi
une incidence sur l’intégration de ces militaires de part et d’autre
des Alpes.
3-Intégration des officiers dans l'arméde de leur choix
3.1 En italie
L’intégration
fut plus facile en Italie qu'en France. L’obligation de se domicilier
dans la ville italienne de son choix signifiait une rupture avec sa
terre d’origine. Les Savoyards, en majorité, préférèrent s’installer à
Turin, les Niçois, quant à eux, choisirent Gênes. Mais surtout, les
guerres risorgimentales jouèrent le rôle de creuset de la nation par le
sang. Ainsi, les Savoyards et les Niçois italiens participèrent à la
répression du Brigantaggio, à la guerre de 1866 et à l’opération
romaine de 1870. Dans le cadre d’une armée nationale en gestation,
le processus amorcé au printemps 1860 se poursuivit sur une
échelle bien plus importante. Carrières, mutations et déplacement des
régiments des Alpes à la Sicile favorisèrent l’émergence ou la
confirmation d’une conscience italienne chez ces officiers savoyards et
niçois. Certains d’entre eux durent ainsi parcourir les régions
italiennes pour rejoindre leur affectation, et ces voyages permirent
une acculturation plus rapide. Pietro Orsat, Savoyard, nommé lieutenant
au 1er de ligne le 15 avril 1858, basé à Turin, passa
capitaine en 1859 au 24eme d’infanterie cantonné à Alexandrie.
Puis, en 1860-1861, il suivit son régiment à Rimini, en Italie
méridionale et à Faenza en Émilie. De nouveau au 1er de ligne
en 1862, il partit pour Gênes, et rejoignit par la suite le 63eme
d’infanterie, à Pavie, puis à Brescia. En trois ans, Pietro Orsat
parcourut l’Italie du nord au sud, et d’est en ouest. Peu à peu,
l’officier savoyard et niçois se transformait en officier italien...
Il
n’est pas alors étonnant de retrouver les Menabrea, Pelloux, Saint-Bon
occupant ministères, présidence du Conseil ou ambassades à la fin du
XIXe siècle. Cinquante-huit officiers (12 %) devinrent généraux (trente-cinq savoyards et vingt-trois niçois),
alors qu’à peine trois officiers (François Borson, Charles Goybet et
Auguste de Ville) finirent leur carrière au grade de général en France,
signe que l’intégration française fut nettement plus difficile.
3.2 En France
Psychologiquement,
ces officiers vécurent mal leur arrivée en France. Un régiment
d’origine savoyarde, le 103eme de ligne, fut certes créé pour eux, mais
le numéro anonyme de cette unité ne pouvait compenser le titre glorieux
de "brigade de Savoie". Il n’eut d’ailleurs qu’une existence éphémère
et fut dissous le 15 janvier 1862, après treize mois
d’existence. Les officiers savoyards furent alors dispersés dans
pratiquement toutes les unités de l’armée française et envoyés aux
quatre coins de la France. L’intégration par le fait militaire prit
ainsi des allures forcées, car le gouvernement impérial cherchait à
noyer l’identité provinciale dans une identité nationale niveleuse des
particularismes régionaux.
La carrière aurait pu compenser les
désagréments provoqués par cette politique. Mais il n’en fut rien. La
comparaison des carrières d’André Ducimetière et de Joseph
Arnaud, deux Savoyards sensiblement du même âge et promus
sous-lieutenants le même jour, montre à quel point le décalage entre
les deux armées existait. La promotion française au grade de lieutenant
était nettement plus longue, ce qui nourrissait un sentiment de
frustration et de dépit.
Sept officiers savoyards et niçois
démissionnèrent de l’armée française entre 1860 et 1870,
quatre le firent très rapidement entre 1860 et 1862, deux
en 1864 et un en 1866. Certains nobles quittèrent le métier
des armes après quelques années de service, comme il était d’usage dans
les milieux aristocratiques. Parfois un riche mariage encourageait le
bienheureux à renoncer à une carrière militaire qui semblait bouchée,
tel Charles de Nicod de Maugny de Neuvecelle qui épousa la riche
comtesse russe Honorine de Komar. Mais bien souvent, les mauvaises
conditions de service poussaient de jeunes officiers brillants et
pleins d’avenir à renoncer à faire carrière. C’est ainsi que Gabriel
Costa de Beauregard, lieutenant de vaisseau savoyard hautement apprécié
par ses supérieurs, donna sa démission le 4 novembre 1866, à
l’âge de vingt-sept ans.
Si les plus anciens avaient été mis
d’office à la retraite par un gouvernement qui rognait sur leur dernier
grade, sort que connut le capitaine Gabriel Gras, les rapports
d’inspection trahissaient un préjugé nettement défavorable. Le général
Feray, inspecteur général de cavalerie notait ainsi sur le dossier de
Charles Duverger, chef d’escadron au 1er régiment cuirassier de la
Garde impériale, en 1863 : « Caractère italien, vantard
et présomptueux », en 1864 : "a tous les défauts des
Italiens et se fera difficilement au service de la France", ou encore
en 1865 : « Cet officier n’est nullement militaire
(...). Il s’est trompé de carrière » et en 1866 : "D’une
obésité qui le rend peu propre au service de la cavalerie
légère". Charles Duverger fut alors placé en non-activité pour
infirmité temporaire en 1867 et placé à la retraite en 1869 à
quarante-neuf ans. Il est vrai que ces officiers du Piémont avaient du
mal à s’adapter aux règlements français, à les assimiler et à exercer
leur commandement correctement.
Certes, quelques officiers furent honorés par le régime français, tels Philibert Mollard,
aide de camp de Napoléon III et sénateur, les généraux Borson et
Jaillet de Saint-Cergues, mais ils n’étaient qu’une infime minorité. La
situation que connurent les officiers gendarmes savoyards fut cependant
particulière. Il ne fallait pas, en effet, heurter de front la
susceptibilité régionale d’une population fière de son passé, qui
s’était donnée avec enthousiasme et volontairement à la France, tout en
s’appuyant sur des éléments fidèles et dévoués à la France. Le choix
d’un recrutement mixte s’imposa alors, mais seuls les plus fidèles
furent récompensés. Certains comme Jean-François Bussat, envoyé à
Lille, durent en effet quitter leur région, tandis que d’autres
restèrent en Savoie, comme Honoré Miédan-Gros, lieutenant de
gendarmerie à Albertville jusqu’en 1869, quoique jugé incompétent.
En fait, Miédan-Gros était "très honorablement connu dans son pays, où
il était aimé et respecté", considéré comme "très sûr et très dévoué à
l’Empereur" , voilà ce qui importait aux autorités françaises.
Conclusion
En
définitive, les officiers prirent conscience que leur sacrifice en
faveur de la France n’était pas payé en retour. Carrière plus lente,
adaptation à un esprit de corps différent, conditions de service
difficiles, relations superficielles avec les camarades de régiment,
condescendance et mépris des supérieurs rendaient pénible une vie
quotidienne routinière. Dans l’ensemble, la déception dominait. Une
déception qui pouvait provoquer un repli dans une identité provinciale
savoyarde et niçoise forte.
La guerre de 1870-1871 permit
l’exutoire de cette animosité envers l’Empire et l’adhésion à la
République. Au-delà de la défense de la République proclamée le
4 septembre 1870 sur les décombres du Second Empire, on se
battait aussi pour défendre sa terre. L’esprit des guerres
risorgimentales surgissait de nouveau, et quelques officiers savoyards
et niçois italiens, tels le capitaine Charbonneaux et Giuseppe
Garibaldi, offrirent leurs services à la République menacée. Mais cette
fois-ci en conjuguant sentiment national, défense d’une identité
régionale et, pourquoi pas, aspiration universelle. La République
apparaissait comme la garante du respect de cette double ou triple
appartenance. Plus de cinquante ans plus tard, au cours de la Grande
Guerre, leurs fils et petits-fils combattirent de nouveau côte à côte,
dans le même camp, comme en 1859. Mais la mémoire collective
savoyarde et niçoise n’oublia pas le déchirement que connurent ceux qui
optèrent délibérément pour la France ou pour l’Italie en 1860.
Un
siècle plus tard, le 18 mai 1960, à l’occasion des cérémonies
célébrant le centenaire de l’annexion de la Savoie à la France, la
petite commune d’Albens rendit honneur à l’un de ses héros, Philibert Mollard,
qui passa 41 ans au service du Piémont et 6 ans au service de
la France sans que fût rompue "l’unité d’une belle vie d’homme dont la
droiture donnait son sens véritable". Dans la mémoire collective, ces
officiers entre deux patries étaient devenus des hommes aux deux
patries, marqués par des intégrations contrastées dans les armées
piémontaise, française et italienne au cœur du XIXe siècle.
********
Eléments de biographie du général Philibert Mollard
né Félix-Philibert Mollard le 13 mai 1801 à Albens, mort le
23 juin 1873 à Chambéry d'une congestion pulmonaire
-1819 : engagé volontaire au régiment des gardes du corps du roi de Sardaigne ,
-1822: sous lieutenant à la Brigade de Savoie
-1848 : capitaine, participe à la campagne contre l'Autriche
-1855 : commandant de la 5eme brigade du corps expéditionnaire en Orient (guerre de Crimée)
-1856 : commandant de la brigade de Cunes
-1857 : commandant de la brigade du Piémont
-1859 : promu lieutenant général au soir de la bataille de San Martino (24 juin 1859).
-1860
: opte pour l'armée française après le rattachement de la Savoie à la
France et entre au service de la France le 4 août 1860
où il est nommé général de division avec effet rétroactif au
24 juin 1859.
-Sénateur (inamovible) du
5 mars 1866 au 4 septembre 1870, il sera aide de
camp honoraire de l'Empereur du 14 mai 1866 au
31 juillet 1870, puis aide de camp de l'Empereur du
13 juillet 1870 au 4 septembre 1870. Il fut aussi
membre du conseil général de la Savoie.
Un monument lui a été élevé dans l'ancien cimetière d'Albens.
*********
Compléments sur la situation des sous-officiers savoyards
On ne dispose pas d'une étude aussi approfondie que pour les officiers, mais on peut dire que
- En proportion, les sous-officiers savoyards étaient moins bien représentés que les Piémontais
- Les Sardes n'en avaient pas le même besoin de sous-officiers que des officiers d'encadrement
- La plupart n'avaient aucun intérêt personnel à opter pour l'Italie
Sources
: cet article a été rédigé avec les notes prises lors d'une conférence
faite par l'Académie chablaisienne le 25 juin 2010, et avec des
informations recueillies sur internet, notamment à l'adresse
suivante http://rha.revues.org//index176.html.
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